La Commande publique locale au service de l’innovation

 

La Fédération Cinov a participé une nouvelle fois au Salon des Maires et des Collectivités Locales qui s'est tenu du 22 au 24 novembre 2022 au parc des expositions de Paris, porte de Versailles. Une occasion pour rencontrer et échanger avec les décideurs locaux et nationaux sur des sujets essentiels, notamment la commande publique au service de (ou des) innovation(s).

 

Une première table ronde a été organisée à l'initiative de la Fédération Cinov en présence de :

• Nadège Havet, Sénatrice du Finistère, Auteure du rapport « Commande publique : vers des achats plus responsables »,
   
• Schéhérazade Abboub, Associée chez PARME AVOCATS,
   
• Laurent Munerot, Président de la CNAMS (Confédération Nationale de l'Artisanat des Métiers des Services et Fabrication) et Vice-Président U2P (Union des Entreprises de Proximité),
   
• et  animée par Séverine Bourlier, Vice-Présidente de la Fédération Cinov et Secrétaire de Cinov Conseil.

 

En introduction, la Sénatrice Nadège Havet a rappelé l’objectif du rapport précité : permettre l’accès à la commande publique au plus grand nombre et en faire un levier de développement de la transition écologique notamment au travers les 46 propositions formulées.

"Le premier constat au moment de la rédaction de ce rapport, fut que la commande publique suscitait de la peur, tant du côté des élus que des entreprises. Les rédacteurs ont travaillé sur la formation des élus et des services de l’Etat, comment mieux prévoir et mieux faire savoir aux TPE PME les plans d’achat. Faire disparaître la peur en faisant disparaître l’ignorance.

Nous avons découvert un certain nombre de bonnes pratiques :

- Un congrès organisé par la préfecture de la Martinique, pour que les élus et TPME puissent se parler autour des grands thèmes, du cadre légal et des attentes des uns et des autres. Ça leur a permis de mieux se comprendre et de travailler ensemble.

- A l’Eurométropole de Strasbourg, tous les représentants d’entreprises sont mis sur la table avec les élus qui leurs ont exposé un plan d’achat sur l’année à venir, afin d’informer sur les prestations envisagées et de préparer les entreprises.

Raisonner en coûts complet est un raisonnement au service de la transition écologique. Nous avons travaillé avec les services de l’Etat pour savoir si un volet transition écologique pourrait être créé dans l’octroi de subvention. C’est encore en cours.

Également, essayer de faire en sorte que le critère prix ne soit plus prédominant. Mais mettre en avant d’autres critères, le coût complet, la valeur sociale et environnementale etc..."

 

Au tour de Maître Abboub, interrogée sur la définition possible de l’innovation dans la commande publique, de préciser la notion d'innovation. Car en effet, l’innovation est complexe à définir. De ce fait, beaucoup d’acteurs publics préfèrent s’abstenir de demander des achats innovants, par prudence, pour éviter les problèmes.

Pourtant, Maître Abboub a rappelé qu'il existait des dispositifs qui facilitent la commande publique "innovante" :

"(...) notamment le manuel d’Oslo publié par l'OCDE qui permet de définir les critères de l’innovation, mais aussi le ministère de l’économie a publié un guide de l’achat innovant dans une double logique d’amélioration continue des services publics et d’optimisation de la dépense.

Il peut s’agir d’une innovation totalement nouvelle, ou alors une innovation qui vient améliorer des produits déjà existants.", selon Maitre Abboub.

Comme dispositif facilitateur, Me Abboub a également cité le contrat de marché innovant  des marchés de travaux, fournitures ou services innovants de moins de 100 000 euros HT, qui permet d’offrir un accès facilité aux TPE locales et innovantes.

 

Pour Laurent Munerot, il demeure néanmoins une certaine appréhension des TPE à rentrer dans les marchés publics en raison des dossiers ardus, même si les procédures ont été simplifiés ces dernières années.

"C’est la peur de la paperasse et la tâche n’est pas toujours facilité. En effet, le fait de maximiser les lots en ne lançant qu’une procédure unique est peut-être plus simple pour certaines collectivités, mais cette procédure ne facilite l’accès uniquement qu’aux grands groupes.

L’entreprise de proximité, de petite taille ne pourra jamais participer dans un contexte pareil. Il faut progresser dans la simplification des lots, mais également tenir compte de cette problématique d’accès."

Dans un contexte de transition écologique les marchés publics doivent impérativement se tourner vers le local et faciliter la venue des TPE et PME du territoire vers les appels d’offres.

Laurent Munerot précise que les entreprises de proximité sont déjà dans leur essence, un signe de développement durable. Il est important que les collectivités fassent de l’information auprès de ces réseaux de TPE qui ne sont pas forcément au courant des opportunités à tirer de la commande publique sur leur territoire.

Des solutions existent

La première solution évoquée, c’est l’allotissement qui impose que les marchés publics soient constitués de plusieurs sous-ensembles appelés « lots ». Ce principe s'applique à l'ensemble des marchés passés, que la procédure soit adaptée ou formalisée, et permet aux entreprises de tailles plus modestes de répondre aux offres publiques, et d’apporter leur expertise innovante et leurs solutions locales.

Les appels à projets qui est un dispositif qui permet à une personne publique de solliciter l’initiative privée pour sélectionner celui ou celle qui fera la proposition la plus satisfaisante, la plus optimale et/ou la plus innovante... pour valoriser cette ressource.

Horizon 2020 qui a pour ambition de produire un ensemble cohérent d’instruments couvrant l’ensemble de la chaîne de l’innovation, le programme d'investissement d'avenir dont l'objectif est de  pour financer des investissements innovants et prometteurs sur le territoire, l'appel à manifestation d'intérêt dont l'objectif est d’identifier les opérateurs économiques susceptibles de proposer une solution répondant à un besoin et d’entamer avec eux un dialogue technique ou simplement sourcer les solutions disponibles. 

En outre, le sourcing est une piste de travail prometteuse. Il est défini comme la possibilité pour un acheteur « d’effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, de solliciter des avis ou d’informer les opérateurs économiques du projet et de ses exigences » afin de préparer la passation d’un marché public.

En exemple, la charte relation fournisseurs responsable, permet de sourcer certains prestataires et fournisseurs, qui répondraient à des critères objectifs. Dans l’appel d’offres, ne seront appelés que les signataires de cette charte. Ou l'exemple de Strasbourg qui réunit chaque année des centaines d’entreprise et les informe de leurs projets d’achats, constitue lors de ces rencontres une banque de donnée qui s’enrichi.

"L’autre partie de la solution est à chercher du côté de la formation des élus"

Pour les élus qui font partie des commissions d’appels d’offre la formation est indispensable pour retirer cette peur de se tromper. Le stress des fonctionnaires des petites communes face à des solutions innovantes qui n’ont pas été proposé dans le passé, pourrait en effet baisser, par un accompagnement et une formation adéquate.

Mais une formation est également nécessaire pour le personnel rédigeant els appels d’offres afin de distinguer plus clairement les objectifs, les critères prépondérants, et les contraintes propres aux TPE et PME.

"En fait, il est nécessaire de pouvoir former à tous les étages !"

Refonder la définition de l’achat innovant ?

D’après Me Abboub, Il n’est pas souhaitable de rigidifier une définition dans la loi, les contextes changent avec le temps. Donner une définition trop précise rajouterait des contraintes déjà bien pesante.

Il est important de former et de rassurer les acteurs et de les former sous la direction du « faisceau d’indices d’innovation », un ensemble de caractéristiques qui mettent en évidence lorsqu’ils sont mis bout à bout, un achat innovant.